Israël Joshua Singer • La famille Karnovski (1943)

La famille Karnovski • Israël Joshua Singer • 1943 • Folio • 768 pages

La famille Karnovski retrace le destin de trois générations d’une famille juive qui décide de quitter la Pologne pour s’installer en Allemagne à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Comment Jegor, fils d’un père juif et d’une mère aryenne, trouvera-t-il sa place dans un monde où la montée du nazisme est imminente?

Publié en 1943 alors que les nazis massacrent les communautés juives en Europe, le roman d’Israël Joshua Singer est hanté par ces tragiques circonstances et par la volonté de démêler le destin complexe de son peuple.


Une de mes bonnes résolutions de 2021 était de découvrir la littérature israélienne ou des auteurs écrivant en hébreu ou yiddish. J’ai commencé ce nouveau voyage par ce roman d’Israël Joshua Singer. Adorant les sagas familiales ayant un fort ancrage dans un contexte historique, La Famille Karnovski me semblait un choix judicieux, qui ne pouvait que me plaire. Il me rappelait quelque peu La Saga Moscovite de Vassili Axionov. Les deux sont des énormes coups de coeur que je recommande.

Le roman s’intéresse à trois générations de Karnovski dans un contexte historique qui va de quelques années avant la Première Guerre mondiale, puis l’auteur évoque l’entre-deux-guerres et la montée du nazisme et le début de la Seconde Guerre mondiale. Ce que j’ai apprécié durant cette lecture est que l’auteur ne donne jamais une date précise. Cependant, les indices, notamment par rapport à certains événements historiques, comme la Nuit de cristal, donnent la temporalité et une idée plus précise du temps qui passe. Ce n’est pas ce qui est le plus important dans ce roman. En effet, l’auteur montre plutôt comment les changements dans la société impacte la famille, la manière dont ils les vivent à la fois à leurs échelles et avec leurs sensibilités propres, mais également à celle de leur communauté. J’ai aussi aimé la manière dont Israël Joshua Singer décrit ce contexte historique mouvant et difficile. J’ai vraiment trouvé qu’à travers les expériences des différents personnages et leurs vécus, on sent celui de l’auteur. Le roman est criant de vérité de ce point de vue.

Il y a trois personnages principaux : David, le patriarche, son fils Georg Moïse et son petit-fils, Jegor. Le point commun entre eux est leur entêtement et opiniâtreté. Ils sont tous les trois extrêmement têtus et persuadés d’être dans le vrai. Après, ils ont des caractères totalement différents, des positions aussi qui diffèrent sur des sujets variés, mais plus particulièrement sur leur conception de la foi juive. Ce qui amènent des conflits au sein de la famille, car ils réagissent selon leurs sensibilités, mais aussi dans le contexte historique dans lequel ils ont grandi. Encore une fois, le lecteur peut voir comment l’histoire donne des caractères, des conceptions différentes au sein d’une même famille. Néanmoins, ce sont trois personnages attachants.

David m’a plu par sa volonté de s’intégrer à tout prix au sein de sa nouvelle communauté à Berlin, mais également de garder et d’inculquer les valeurs de sa foi à ses descendants. Son fils, Gregor Moïse est un célèbre chirurgien allemand qui m’a étonné par sa résilience, le courage de trouver sa propre voie, d’accepter les changements et d’émigrer. Cependant, c’est le fils de ce dernier, Jegor, qui m’a le plus touché et bouleversé parmi les trois générations de Karnovski. Il est peut-être le plus complexe d’entre eux. Il grandit au sein d’une famille où son père est juif et sa mère est considérée comme une bonne Aryenne dans un contexte de montée du nazisme et où il est difficile d’être les deux. Il vit une véritable crise d’identité à une période de sa vie qui n’est pas la plus facile, l’adolescence. Je pense que rien que pour ce personnage, il faut lire ce roman.

Le roman est très bien écrit, et malgré tout, la tension est au rendez-vous. Les pages se tournent toutes seules, car on s’attache aux personnages principaux, comme secondaires. Le lecteur attend que le drame arrive. Il survient dans les dernières pages et de là provient mon unique petit point de déception concernant ce roman. En effet, la fin est un peu brusque, par rapport au reste de l’intrigue. Le rythme s’accélère énormément dans les dernières pages et l’auteur m’a laissé sur ma faim concernant le destin des différents membres de la famille Karnovski. Même si le livre s’approche des huit-cent pages, je n’aurai pas boudé mon plaisir si l’auteur en avait rajouté une centaine, voire même un peu plus. J’ai quitté les Karnovski avec un pincement au coeur.

Malgré cette petite note finale, le roman a été un énorme coup de coeur. Israël Joshua Singer est un auteur que j’aime beaucoup. J’avais également dans ma bibliothèque un autre roman de lui, une autre saga familiale aussi, Les frères Ashkenazi. J’ai aussi beaucoup aimé, mais pas un énorme coup de coeur comme pour La famille Karnovski.

7 réflexions sur “Israël Joshua Singer • La famille Karnovski (1943)

  1. Sans être totalement convaincu, j’avoue que tu vends à la perfection ce roman. Adorant les sagas familiales, je suis plus que tenté mais je ne suis pas fanatique de la période historique mise en situation.
    Je me le note malgré tout. Sait-on jamais sur un coup de tête il peut très vite atterrir sur mes étagères donc merci pour la découverte 😉

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      • J’apprécié les univers qui se passe vraiment dans le passé, du genre moyenâgeux. Après j’apprécie aussi les classiques pour leur aspect historique mais j’avoue voir du mal avec les oeuvres dont l’histoire reste axée sur les guerres. Après, je devrais sauter le pas avec Ken Follett dont son ouvre prend la poussière dans ma PAL 😉

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      • Tu veux parler de sa série Le Siècle ? Je l’ai commencé l’année dernière et j’aimerai lire les deux derniers tomes cette année, avant de m’attaquer, justement, à celle se déroulant durant le Moyen Âge.

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